mercredi 4 janvier 2012

Vision révolutionnaire de la segmentation sociale en France


En ce début d’année, je vous propose de réfléchir à la segmentation sociale en France. Pour s’adapter au style de l’informatique (c’est-à-dire des articles relativement brefs pour ne pas lasser mon estimé lecteur, saturer ses facultés d’attention ou prendre trop de son temps si précieux) je vais vous servir, en feuilleton, quelques pages, à peine retouchées, de « La croix du Nord » que j’avais publié en 2010 chez L’Harmattan. Maintenant ce dossier segmentation sociale est complet.  Mais pour en savoir plus il n’est bien sûr pas interdit d’acheter ce livre !

Si l’on considère seulement les revenus et le patrimoine financiers, on peut distinguer la France d’en haut, comme disait maladroitement J.P Raffarin, et celle d’en bas. La France des châteaux et celle des fossés, préfèrait Pierre Mauroy.
Cette classification fondée sur l’argent ne préjuge en rien des qualités intellectuelles ou morales, ni du bonheur des impétrants. Les différences de revenus sont évidentes dans nos sociétés, honteuses même par leurs extrêmes, et apportent de l’eau au moulin de ceux qui font semblant de lutter pour l’égalité. En aucun cas, la richesse matérielle ne peut être un argument de discrimination valable pour trois raisons principales. Elle est extrêmement labile ; elle peut être acquise fortuitement, voire avoir été bien mal acquise. Cette classification n’apporte pas grand chose pour réfléchir.
On peut considérer le pouvoir et les privilèges acquis, comme le faisait George Orwell, qui parlait des alpha et des bétas, en faisant référence à un statut social rigide et imposé. Il opposait les alphas dominateurs aux bétas soumis par le système social.
Au temps de l’empire colonial français, nos Africains opposaient les « Petits Blancs » aux « Grands Blancs » qui occupaient les postes directeurs. Les Petits Blancs étaient ceux qui avaient des rôles subalternes.
A la fin du XX° siècle, Raymond Barre, s’intéressant au pouvoir réel en France, a individualisé dans la population française, qui tournait à l’époque autour de 60 millions de personnes, un microcosme parisien, puissant mais très peu nombreux. Allez, mettons six à dix mille personnes, qui posséderaient toutes les clefs du pouvoir ! Un peu plus de 0,0001 % du total. Dans cette optique, les 59 millions, neuf cent quatre vingt dix mille français restant constituaient le macrocosme. Microcosme et macrocosme cohabitent dans le même bateau « hexagonal », dont ils constituent l’équipage et les passagers. Les passagers, qui travaillent pour payer l’ensemble du voyage, devraient en principe avoir la possibilité de dire où ils veulent aller et comment ils souhaitent faire le périple. Mais leur influence sur les choix de navigation et sur la destination du navire est devenue pratiquement nulle. Malgré l’allégation de démocratie, le macrocosme de la France profonde s’est très souvent laissé manœuvrer par l’activisme du microcosme et la concentration de pouvoirs qu’il représente. C’est encore plus vrai maintenant !
Mais aucune de ces classifications n’est totalement satisfaisante, car elles ne tiennent pas compte des éléments subjectifs, inhérents au psychisme humain. On néglige l’importante partie irrationnelle du cerveau de l’homme.
« Deux fois deux ne font pas quatre lorsque les unités mathématiques sont des êtres humains. » A. Koestler dans  « le zéro et l’infini ».Innovons ! Voici ma classification, qui se veut à la fois objective et subjective.


Si on considère le bien-être, voire le bonheur d’une population, la distinction ne peut plus être seulement financière, elle doit intégrer la notion de satisfaction de son sort. Elle devient psycho-financière. Beaucoup de gens à revenus faibles se sont adaptés à leur niveau de vie matérielle et n’en souffrent pas. Ils ont su se créer des pôles d’intérêt et d’action qui les stimulent et les rendent heureux. Par contre, d’autres à revenus nettement supérieurs en veulent toujours plus. Ils n’ont pas de satiété financière. Ils perçoivent leurs émoluments comme insuffisants et en éprouvent une frustration, qui les empêche d’être heureux.  Dans cette optique, il faut distinguer les savas et les savapas ! C’est une synthèse des précédentes classifications ! Bien entendu la population peut être segmentée de multiples façons mais celle-ci a l’avantage de la simplicité et recoupe la clairvoyance et le bons sens africains : les Grands Blancs ( Sava, merci ! ) et les Petits Blancs ( « Savapa, mais il faut démerder », comme disaient les Ivoiriens ! ) Les dominants et les dominés… Vieille histoire !

Les savapas sont les plus nombreux et constituent la plus grande partie du macrocosme. Ce sont des exécutants, qui constituent environ 80 % de la population hexagonale.
Ce sont eux qui deviennent de plus en plus pauvres, vivant souvent d’expédients ou croulant sous les dettes. La précarité de l’emploi les tracasse en permanence, car ils sont « accros » à une consommation immédiate, effrénée, sans réserve financière stabilisatrice et rassurante. Les banques et les pouvoirs publics leur conseillent des emprunts à tout va. Un peu moins depuis 2008 !
La plèbe actuelle des savapas, c’est-à-dire l’immense couche moyenne des populations d’Occident, perçoit bien que le monde moderne, déboussolé, évolue de plus en plus rapidement dans une ambiance de chaos social, d’insécurité physique, d’inefficacité politico-administrative et de truandages financiers de leurs dirigeants. C’est une longue suite d’équilibres instables, d’un compromis à l’autre. Les intermèdes de stabilité, ponctués par des consensus, sont de plus en plus brefs. Cette couche moyenne craint la chute fatale et veut jouir de tout, tout de suite. Tout se passe dans une ambiance de précarité permanente et menaçante pour tous ceux qui sont aisément remplaçables dans leur fonction ou leur métier.
On peut y observer des sous-groupes.
Les trois-quarts des savapas ont, malgré tout, un niveau de vie, réduit certes, mais encore acceptable, digne et qui reste bien meilleur que dans beaucoup d’autres pays. Mais ils ont la sensation très désagréable de le voir progressivement descendre ! Ils se sentent aujourd’hui moins bien qu’hier et probablement mieux que demain ! C’est ce pessimisme qui a fait parler de déclin national et qui affecte le moral des ménages, comme disent les économistes. Rien ne leur paraît bien. Ils ont tous des griefs contre tout : le Gouvernement, l’Europe, l’administration, les taxes, l’entraîneur de l’équipe de France de foutebol… et même contre le temps qu’il fait. Une émission de RMC, finement nommée « les grandes gueules », est emblématique de cet état d’esprit frondeur, râleur, insatisfait chronique de la majorité des Hexagonaux. Ils ne sont d’accord sur rien, mais tous savent ce qu’il faudrait faire ! Yaca et faucon ! Les conseilleurs, donneurs de leçons prolifèrent dans l’hexagone ! Politiciens en tête !
«  La France est divisée en cinquante millions de Français » constatait, désabusé, Alphonse Allais au début du XX° siècle.

Le quart restant des savapas, du côté le plus pauvre de la courbe, forme le groupe des savapadutous, qui atteint maintenant presque vingt pour cent de la population hexagonale. Il comprend ceux qui oscillent entre la pauvreté et la misère. Pour eux, dont le nombre augmente inexorablement depuis vingt ans, le niveau de vie matérielle est objectivement indécent et en baisse. Les savapadutous se débrouillent comme ils peuvent, comme le font les animaux sauvages dans la nature, avec des prédateurs et des proies. Mais, dans les grandes villes, c’est plus difficile. La plupart survivent grâce à quelques allocations de solidarité et à la charité, d’autres ont parfois recours à ce qu’on appelle pudiquement les bienfaits de l’économie parallèle (« gratte », trafics divers, fraudes voire vols, arnaques...). Voilà un des amortisseurs sociaux modernes ! Je ne voudrais surtout pas insinuer qu’il n’y a que les pauvres qui volent et qu’il n’y a pas de riches qui arnaquent. Dans le monde actuel, dés que l’impunité semble probable, tout le monde vole dés qu’il le peut, en se justifiant par l’injustice du monde ambiant. Les riches volent, quantitativement, plus que les pauvres ! Nous en reparlerons. La triche aux programmes sociaux est fréquente et ce ne sont pas les plus nécessiteux qui profitent de la manne. Des individus ou des groupes mafieux, chasseurs de primes sociales ou escrocs patentés, se sont organisés pour être les plus efficaces. Les mafias ne savent plus quoi faire de leur argent noir et le blanchissent à tire –larigot, malgré les bonnes paroles politiciennes qui affirment le contraire.


La grosse majorité des savas est ce que les anglo-saxons appellent la « upper-middle class ». C’est un ensemble de cadres supérieurs, de dirigeants de petites et moyennes entreprises, de membres de professions libérales, de commerçants aisés ... Ce sont eux qui font marcher la machine sociale. Ils ont des métiers dans lesquels leur performance personnelle, leur valeur ajoutée, les protège. Ce sont des décideurs, souvent intelligents, instruits ou dotés de III) De l’autre côté , il y a les savas que l’on peut estimer, au maximum, à 20% de la diplômes, qui ont su se construire un environnement assez discret, riche intellectuellement, dans lequel ils trouvent leur satisfaction. Les savas sont des nantis, souvent méritants. Ils pensent, mais ne disent jamais, que tout va bien pour eux. Ce sont des gens satisfaits d’eux mêmes, de leurs revenus et de leur mode de vie. Ils soutiennent que tout est sous contrôle, sous-entendu qu’ils font bien leur travail ! Avez-vous entendu un ministre en exercice déclarer que les choses n’allaient pas bien ? Surtout ils veulent convaincre la masse de la population qu’on a le temps de voir venir, que des modifications brutales ne sont ni urgentes ni inéluctables. En effet, le temps joue pour eux ! Ils sont bien.
Acani o !*
* Acani o : Expression fréquemment utilisée dans le dialecte dioula, qui est une des langues véhiculaires de l’Afrique de l’ouest, pour signifier : c’est bon ! Ca va !*

Dans ce groupe, une infime minorité de savatrébiens (six à dix mille hexagonaux au maximum, avons-nous estimé ), mondaine et parisienne, très aisée et à prétention intellectuelle, détentrice de tous les pouvoirs, constitue le microcosme. Certains les appellent « Personnes de Pouvoir, de Décision ou d’Influence » ( PPDI ).Ce microcosme se veut intellectuel, branché, parisien certes, mais surtout pas franchouillard. Ce micro-groupe reste encore francophone, quoique beaucoup baragouinent volontiers un anglais défiguré. Il a installé son camp de base à Paris, plutôt du côté des beaux quartiers. Notre capitale reste malgré tout agréable à vivre, quand on a un peu d’argent et des amis influents. C’est central, bien desservi par les médias nationaux et internationaux et il est de bon ton de s’y faire voir régulièrement.
« Les hommes sont comme des chiffres, leur valeur dépend de leur place. » Napoléon.
Ce milieu comprend beaucoup de politiciens, un certain nombre de hauts-fonctionnaires, d’administrateurs de sociétés industrielles et de patrons de grandes entreprises, des journalistes, presque tout le chobiz, des individualités de la relation publique et une palanquée de commensaux, avides de visibilité médiatique, qui papillonnent sur les orbites des autres et vivent souvent à leur dépens. C’est le monde pipeul qui ne représente d'ailleurs qu'une petite partie du microcosme mais c'est sa partie la plus visible.
Ces pipeuls sont des sybarites, aisés ou riches, arrogants ou suffisants, satisfaits d’eux même. Ils ont toujours le sourire aux lèvres. Pour eux la vie est belle. J’ajouterai que cette caste est souvent endogamique*, ce qui n’améliore pas son patrimoine génétique !
*Endogamie : Terme tiré du jargon biologique mais connu de tous, qui traduit l’obligation pour les membres d’une tribu de se marier à l’intérieur de celle-ci.*
Leur mode de vie, bidonné par les médias, et leurs états d’âme trafiqués font alternativement rêver ou pleurer Margot. Il ne s’agit toujours pas de la Reine mais de la femme de Diego, qui est toujours dans sa chaumière! Elle se délecte, la pauvre, des récits souvent fantaisistes de leurs amours, voyages, aventures et mésaventures sentimentales, qu’elle trouve maintenant dans tous les médias. Pour conforter ce point de vue détersif, Roman s’offrait un allié de taille !
Lionel Jospin dans son livre « Le monde tel que je le vois » paru en 2006, en faisait la même description. « Une nouvelle aristocratie émerge : une alliance implicite entre les dirigeants des grandes firmes financières, les cadres élevés de l’entreprise et des services, certains hauts fonctionnaires de l’Etat, des privilégiés des médias. Cette caste a épousé l’univers de l’idéologie mondialiste car elle y trouve la justification de son existence et de ses exigences.
Quelle est la recette de cette salade de PPDI ( pour aider votre mémoire, il s’agit des Personnes de Pouvoir, de Décision ou d’Influence ) ?
Cinq ingrédients sont fondamentaux si l’on ne tient pas compte des parasites, des intermédiaires et de la multitude de jeunes femmes plus belles les unes que les autres, virevoltant dans ce milieu, attirées par l’argent et la visibilité médiatique ( la visimé, comme disent les gens branchés ) comme des insectes par la lumière. Mais elles n’ont que rarement la parole en public, elles sont là seulement pour faire joli à la télé ! On les traitait de potiches avant l’apparition des mouvements féministes ; maintenant on les appelle des fleurs ! C’est plus déférent !
Les ingrédients importants sont assez intimement mêlés dans la vie de tous les jours.
Politiciens professionnels et hauts fonctionnaires représentent les détenteurs du pouvoir politico-administratif du moment, mais le groupe inclut aussi l’opposition, qui sera aux affaires après les prochaines élections ! N’en sont exclus que les révolutionnaires pur sucre et les populistes, encore que… s’ils passent bien à la télévision-interaXion, ils puissent devenir fréquentables, parce qu’ils augmentent l’audimat.
Le pouvoir financier est représenté par une petite camarilla de chefs d’entreprise et de banquiers ou traideurs, rodés à la relation publique et aux habiletés de la sémantique.
Les intellectuels, plus ou moins marxistes, sont en règle sélectionnés par les médias, eux-mêmes télécommandés par des lobis, pour promouvoir des lubies, des idées et des idéologies… et faire des commentaires et des bons mots sur les faits de société. Des « commenteurs » dirait Zazie et des mouches du coche, selon La Fontaine !
Les journalistes sont la cheville ouvrière  de ce microcosme, les eunuques du sérail. Ils participent au tourbillon et mangent sans vergogne à tous les rateliers.
Les pipeuls du chobiz et du sport viennent compléter ce petit zoo humain ; ils constituent la partie glamour, distraction, de cette côterie : artistes de tout poil, plus ou moins connus, souvent intermittents du talent, parfois nuls et vulgaires, mais qui doivent être dans le vent et à la télé, quel que soit le vent !



Marlon Brando de l’autre côté de l’Atlantique jugeait aussi durement le chobiz américain: « Hollywood ne veut rien dire d’autre qu’avarice, superficialité, rapacité, grossièreté et mauvais goût » !
Quelques sportifs de haut niveau sont admis dans le cénacle à condition qu’ils aient un jour gagné quelque chose, qu’ils soient physiquement impressionnants ou qu’ils puissent s’exprimer à peu près clairement en français.
Ils sont utiles parce que le bon peuple les connaît grâce à leurs exploits physiques télévisés. Ils ont ainsi acquis un  « poids » médiatique intellectuel !
Ce milieu exhibe une morgue de parvenus et professe des bonnes paroles socialement correctes, pleines de compassion pour les damnés de la terre qu’ils ne voient qu’à la télé. Ils étaient souvent au premier rang des manifestations de rue, qui consistaient à faire prévaloir un point de vue partisan dans des manifestations bruyantes et les plus gênantes possibles pour le reste de la société. Rien n’était plus anti-démocratique ! Peu importait ! Ils ont ensuite mis en route le règne de la pétition. Imbue de sa visibilité médiatique et du « poids » de ses noms dans l’annuaire des pipeuls, « la race des signeurs » comme disait Céline, donnent des avis au Gouvernement sur tous les sujets.
« Je pense qu’un acteur doit faire son travail et puis la boucler . » Richard Widmark.
Ce n’est pas souvent le cas. Dans le temps, Joe Star parlait de politique entre deux condamnations. Des fouteboleurs croisaient le fer par média interposés avec des ministres sur les problèmes posés par l’immigration. Maintenant, on signe des libelles ! 
En plus, ce microcosme parle de tout dans tous les médias pendant que le macrocosme, le reste de la population, travaille dans la journée et somnole le soir devant la télévision interactive.
« Ce n’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ! » Cette phrase de Pierre Dac a été reprise par des anonymes de la télévision, sans qu’ils citent leur source.
Bien entendu, un pipeul doit avoir un avis sur tout et feindre des idées de gauche. Mieux, les afficher à la moindre sollicitation !
Heureusement, il n’est pas nécessaire de les mettre en pratique dans sa vie de tous les jours.
L’existence de ce microcosme avec ses compartiments communautaires, est déjà une exception française… fâcheuse ! Mais ses membres sont persuadés de leur clairvoyance, qui leur donne un rôle messianique pour l’ensemble du monde. Cette petite troupe, ridiculement minoritaire dans l’hexagone mais sur-médiatisée, est dans son ensemble de gauche, probablement pour se faire pardonner son mode de vie luxueux et dispendieux. Ce microcosme fait bien sûr partie du groupe des « savas », tendance savatrébien, et manifeste en toutes circonstances un contentement, une satisfaction qui devrait choquer la majorité des savapas. « Faisons tout pour protéger le statu quo qui nous va si bien » ! Voilà leur devise.
Ne se sentant pas menacés matériellement, ils font preuve d’un amour immodéré pour l’Autre, surtout s’il est minoritaire ou si ses ancêtres ont été brimés ou opprimés. Ils y rajoutent un angélisme (tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil) qui frise la lâcheté et incite le macrocosme à baisser sa garde devant les dangers potentiels, qui menacent l’ensemble de la
population. Ils font rêver.

« Sentinelle endormie, avant-garde des ennemis. » St Exupéry dans Citadelle.

Avoir des idées sociales bienséantes serait leur affaire et n’aurait en soi aucune importance, vu leur nombre. Mais leur propension à les clamer constamment sur les toits est exaspérante. Ce microcosme induit des modes, soutient des utopies, lance des mensonges, colporte des cancans, entretient des mythes, transforme des incertitudes ou des doutes en affirmations péremptoires, alimente des théories, des débats sans intérêt pratique et impose ses jugements définitifs. Il fait la modernité !
En effet, ces petits soldats sociaux ont servi longtemps de caisses de résonance aux idées marxistes ; maintenant, ils sont devenus mondialistes. Et convaincus en plus ! Ces biotifoul pipeuls se reconnaissent dans la gauche-caviar mondialiste. Ils sont pour les droits de l’homme et l’antiracisme, défendent le féminisme, les mélanges sociaux pour les autres, promeuvent les familles décomposées et recomposées, le « droit » à l’avortement et à l’euthanasie, luttent pour l’égalité (!) et contre l’homophobie, contre les franchouillards réactionnaires, contre le sida, contre la violence en Afrique… ils étaient modérément pour les FARC, mais un peu plus pour les criminels italiens des Brigades rouges réfugiés en France . Leur collaboration affichée avec la dictature administrative naissante du mondialisme, dont ils ne souffrent pas beaucoup grâce à leurs privilèges, va à l’encontre des intérêts de leurs peuples.
Ils devraient être haïs, ils sont adorés ! Leur vénalité, leur dilapidation de fonds privés ou publics, voire leur corruption, devraient les déconsidérer auprès de la population ; elle reste néanmoins étrangement passive à leur égard. Les médias en donnent une image « gentille ». Ils sont « comme il faut ». Bien entendu, ils sont écologistes, surtout pour limiter la pollution des autres. Par contre, ils ne plaisantent pas quand il s’agit de leur argent.
« Aucune ville n’est imprenable si l’on réussit à y faire pénétrer un mulet chargé de sesterces. » Cette boutade est attribuée à Philippe, Roi de Macédoine et père d’Alexandre le Grand. Le mulet chargé de sesterces ne sert plus à prendre des villes, il a été remplacé par les valises de billets de banque, les subventions ou les commissions qui servent à « huiler » les rapports amicaux, commerciaux ou sociaux. Souvent le mulet prend la forme d’honoraires confortables, pour des rapports que personne ne lit !

Sauf exception exceptionnelle, un marginal ou un solitaire ne peut pas être pipeul. On ne peut pas être longtemps un pipeul passif ou sortant de l’épure.
Les pipeuls doivent être actifs pour durer. Si vous ne faites rien, si vous ne créez pas d’évènements, si minables soient ils, les journalistes vous délaissent vite. Il faut fréquenter les lieux à la mode (cafés, restaurants, boite de nuit… ), branchés ou mieux des clubs privés. A Paris ou dans le monde urbain international, il faut que beaucoup de gens vous voient en personne, seul ou accompagné, dans les endroits à la mode. Pour vos vacances, il faut aller dans des endroits luxueux mais isolés. Luxueux parce qu’il ne faut pas déchoir ! Le style rustico-chic est très à la mode pour 2012. Isolés, cela veut dire loin de la foule, de la plèbe, inaccessibles mais il faut rester visible et enviable. Il faut que les paparazzi, journalistes spécialisés dans la chasse au pipeul, ouverte toute l’année, sans permis, puissent vous y trouver, vous photographier, vous interviouver, bref, vous y surprendre. Il faut se mêler de tout, même si on n’y comprend pas grand’chose. Il suffit de rester « correct » et c’est assez facile !
Mieux encore serait d’être invité dans le tourbillon de la « jet set », mais c’est plus difficile !
Il faut aussi pour durer dans ce milieu un sens de l’adaptation en alerte permanente, des convictions à géométrie variable et peu de principes moraux.
« C’est mon point de vue ; s’il ne vous plaît pas, j’en ai d’autres ». Marx, tendance Groucho !

De fait, le vrai potentiel de nuisance de ce microcosme est sa médiatisation démesurée, disproportionnée, qui lui permet d’influer sur le comportement et la pensée du macrocosme, des masses de gens qui lisent les articles pipeul de la presse, écoutent ou regardent les journaux et les cho télévisés. Ce microcosme est devenu un ensemble de meneurs d’opinion !
« Le poisson pourrit par la tête » disait Lénine. Chez nous la tête est déjà pourrie et malheureusement le poisson lui-même se met à sentir un peu fort !
Ce sont eux qui ont fait triompher l’individualisme et le relativisme, qui prévalent actuellement.
Ils ont indéniablement contribué à la décadence de la société traditionnelle. En fait, c’est ce qu’ils souhaitaient d’ailleurs, sans trop savoir par quoi remplacer cette tradition « franchouillarde » qui reste souvent admirable. Le paradoxe vient du fait qu’ils appréciaient beaucoup les avantages matériels et la liberté que cette société avait su leur procurer.
Leur haine affichée des racines culturelles et spirituelles autochtones les pousse à encenser tout ce qui peut les couper et les triturer. Pour les plantes, on sait que c’est néfaste. Pour les sociétés humaines, il est encore trop tôt, en 2012, pour apprécier leurs dégâts, mais Simone Weil, ( la « grande », la philosophe qui pour ne pas se couper du concret, s’était engagée en 1934-35 comme manœuvre chez Renault, dans les Brigades Internationales pendant la guerre d’Espagne en 36, puis comme ouvrière agricole en 40-41 ) les avait mis en garde dans son manifeste testamentaire : « L’enracinement, prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain », publié post-mortem en 1949. Elle affirmait que « L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. Un être humain a pour racine sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. Participation naturelle, c’est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l’entourage. Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement parti. »
C’est un avis qui devrait compter pour des intellectuels honnêtes. Nos faiseurs d’opinion n’en ont que faire !

Ces gens là se considèrent comme les élites intellectuelles du pays, tiennent à le faire savoir et recherchent tous les moyens de se faire voir ou remarquer. Il y a, dans ce milieu, quelques brillants cerveaux bourrés de qualités intellectuelles ou morales, mais noyés dans une masse de nantis fainéants, de privilégiés, de fâcheux, d’escrocs ou de salauds, qui constituent le gros des bataillons des zélites.
« Dieu se rit des gens qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » Bossuet.
Ils sont responsables mais pas coupables, aurait dit une ministre.
Ils sont nuls à chier, ajouterait Zazie !


Par dérision, quand nous évoquerons ces gens méprisables du microcosme, nous forcerons la liaison en écrivant les zélites. Les facteurs déterminants de leur succès sont l’argent, quelques connaissances intellectuelles et beaucoup de relations humaines.
Pour parler seulement de la fraction politico-administrative de ce microcosme, de façon péjorative, on peut utiliser le terme russe de nomenklatura.
Quant à l’intelligentsia, si elle existe évidemment à l’échelon individuel et pas seulement chez les savas, il fallait encore la chercher il y a peu de temps, à l’échelon social ! Elle se voudrait représentée par quelques philosophes intellectuels, des artistes contemporains et des saltimbanques du chobiz, hâbleurs, médiatiques, suffisants et … creux. A quelques exceptions près, la stupéfiante médiocrité de nos penseurs hexagonaux et la décadence de l’art en général depuis le milieu du XX° siècle, les disqualifient en tant que groupe social. Malgré quelques Prix Nobel sporadiques et rares !
« Quand le soleil de la culture est au couchant, les nains eux-mêmes jettent des ombres immenses. » Karl Krauss, Autrichien perspicace et critique de thêatre.

Socialement, c’est un milieu méprisable et détestable, en général parvenu, truffé de jalousies, de suffisance et de haine chez des gens qui individuellement pourraient parfois se montrer intéressants mais qui, dans leur milieu ambiant sont insupportables. Raison de plus pour ne pas attribuer systématiquement à un individu les caractéristiques du groupe dont il fait partie ! Ce serait du racisme pervers !
Individuellement, que tant de gens qui ont tout eu, de l’argent, des dons artistiques et intellectuels, pour certains même du talent, pour beaucoup de la chance et qui ont bénéficié d’appuis, de piston, du copinage ou du communautarisme très en vogue depuis une vingtaine d’années, soient tous aussi vils, confirme deux constatations.
Comme tout homme, le pipeul est le plus souvent dominé par ses petites mesquineries. Mais, chez lui, elles doivent être dissimulées, enveloppées dans du verbiage bienséant pour ne jamais apparaître dans le langage public.
L’homme est panurgien, le pipeul encore plus ! Il agit, réagit et pense préférentiellement comme le groupe dans lequel il vit. Il doit être dans « le mouv » !

Vu la place prise par l’argent et par la recherche du bien-être matériel dans notre société, cette classification psycho-financière pourrait devenir le mètre-étalon social au Pavillon de Breteuil !
« Tout ce qui est simple est faux, mais ce qui ne l’est pas est inutilisable » disait P. Valéry.
« Et de toutes façons, on s’en fout » aimait-il à ironiser.

Alors servons de cobayes et tâchons de nous situer nous-mêmes dans le tableau ! Nous toucherons du doigt les difficultés pour faire rentrer chacun d’entre nous dans une catégorie administrative rigide, si fantaisiste soit elle ! On ne passe pas du grand angle au zoum impunément ! Bon courage !