jeudi 24 mai 2012

Pourquoi et comment on devient si vite un « vieux con » ?



Nous sommes tous menacés de devenir des « vieux cons ». Cette expression triviale est passée dans le langage courant mais elle n’exclut pas, bien sûr, l’existence de jeunes cons. Il y a,  bien sur, des cons qui le sont depuis toujours !
L’ardeur de la jeunesse pousse beaucoup de « jeunes loups » à gravir la pente, longue et savonnée, qui mène à la notoriété professionnelle, sociale, politique, sportive, médiatique… On leur a dit que là-haut tout était beau et bon. Mais, on ne leur a pas dit que cette sublime crête de notoriété est extrêmement étroite et que derrière se cache un abîme profond qui attend les « vieux cons ». On passe très vite de jeune loup à vieux con ! Il suffit de passer la crête.
On peut tomber dans le gouffre des « vieux cons » déséquilibré par un faux-pas ou emporté par son impétuosité, ses habitudes, son ego ; on y est parfois poussé par un concurrent qui veut une place au sommet ; les vicissitudes physiques, neuro-sensorielles ou psychiques de l’âge mûr peuvent aussi faciliter la chute.

Le « vieux con », en général, est caractérisé par un décalage entre le monde ambiant toujours évolutif et son cerveau qui se fixe dans ses convictions ou habitudes. Une fois ce décalage crée, il aura tendance à s’amplifier au fil du temps. La résistance du cerveau bloqué se durcira avec le temps qui passe.

La réalité du monde qui nous entoure est en perpétuel mouvement sous les influences multiples du progrès technique, des aléas de la conjoncture, de décisions politiques, d’évolutions économiques, de modes ou de tendances…
« Tout est mouvement. » Héraclite.
Il faut s’adapter ou disparaître, si l’on en croit Darwin.
« Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ! » Contrepèterie de Francis Blanche qui pourrait s'adresser à nos politiciens actuels.
Un « jeune » sera pratiquement obligé de s’adapter pour survivre, que cette évolution du monde lui plaise ou non, car il devra « faire avec » pendant longtemps. A cause d’une expérience encore fragile et grâce à une plasticité mentale plus grande, par panurgisme ou par nécessité, il subira pour rester « dans le vent ».
Un « mou » cédera par pulsion naturelle, par faiblesse, pour faire comme tout le monde être tranquille.
Un « vieux » normal (comme un Président de la République !), fatigué de lutter, acceptera de disparaître. Quand ce sera fait, même ses ennemis diront du bien de lui !
Mais certains « vieux », souvent parmi les esprits forts, décideront de résister à la tendance générale si elle leur paraît mauvaise, de s’arc-bouter sur leurs positions, et de le dire haut et fort. Ce sont ceux-là que l’on qualifie de « vieux cons » : insulte commode, utilisée par leurs adversaires pour dénigrer sans argumenter et pour ridiculiser et mettre les rieurs de leur côté.

Le « vieux con », armé de sa longue expérience et souvent bardé d’un ego bien dimensionné, se permet de ne pas suivre les tendances de ses pairs, de ses relations, de la mode ou de l’air du temps. Il considère que ce qu’il fait ou ce qu’il pense est plus adapté à la situation, mieux ou meilleur que ce que lui suggère la voie correcte (celle de la majorité !) et il s’y tient. En plus, il veut le faire savoir parce qu’il en est fier. Parfois même, il s’en vante.

C’est admirable et courageux s’il a quelques arguments pour défendre ses positions. Cela fera le bon « vieux con » ! L’histoire lui donnera raison, mais beaucoup plus tard (Ignace Philippe Semmelweis, Maurice Allais, Claude Frédéric Bastiat, Alexis Tocqueville…)

C’est plus criticable si c’est une reculade devant l’apprentissage de nouvelles techniques ou l’acquisition de nouvelles compétences. Ici, c’est la flemme ou l’inertie intellectuelle qui devient prédominante !

C’est terrible s’il résiste pour ne pas reconnaître qu’il s’est trompé. C’est alors le détestable « vieux con » atrabilaire !

Sur un plan théorique, le « vieux con » a souvent raison parce qu’il a de l’expérience et que les débuts d’une idée nouvelle, d’une technique innovante, d’une voie inexplorée sont souvent difficiles donc discutables.

Mais, sur le plan pratique, il aura toujours tort parce qu’il ne sera pas éternel et que l’industrie, les sponsors, les journalistes surtout ne le suivront pas, ne le défendrons pas et finalement le torpilleront. La jeunesse a toujours raison ne serait-ce que parce qu’elle sera là pour imposer ses intuitions brillantes ou ses conneries et que les autres auront disparu.

Le « vieux con » devient pitoyable s’il fait des efforts pour remonter sur la crête aigue de la notoriété, après avoir plongé dans l’abîme. La chute est irréversible. Il n’arrivera pas à remonter car c’est impossible et les jeunes loups, massés sur la crête de notoriété, se moqueront de ses vains efforts.
Par contre, le « vieux con » digne s’ouvre à d’autres horizons, fait des choses qu’il n’avait pas eu le temps ni le loisir de faire avant, il élargit son angle de vision sur la réalité du monde ; il devient sage ! Ensuite, il disparaît, sans faire part de ses états d’âme, ni montrer sa déchéance éventuelle aux autres. Quand on nage au milieu de requins, il ne faut surtout pas saigner. Il faut s’éloigner doucement, en silence, comme le font les vieux éléphants qui quittent le troupeau pour aller mourir seuls dans la brousse.
A bientôt donc, chers amis, dans le cimetière des éléphants !

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